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Yallah: entre piscine et guerre civile, les coulisses d’un court-métrage primé

YALLAH : entre piscine et guerre civile, les coulisses d’un court-mérage primé

Le court-métrage est enfin disponible en ligne ! Découvrez-le ci-dessous, suivi de l’interview de l’équipe.

Un adolescent désireux d’aller nager, un homme fuyant la guerre civile : voici Yallah, court-métrage issu de la promotion Supinfocom Rubika 2021.
Présenté à l’été 2022 au SIGGRAPH dans le cadre de son festival d’animation Electronic Theater, le film a remporté le prix « Best Student Project ».

Nous vous proposons aujourd’hui une interview de l’équipe, agrémentée de nombreuses images de coulisses.

Inspirations réelles, style graphique, animation, surf urbain et FX stylisés : l’équipe nous a partagé tous les secrets du film ! Découvrez-les sous le court-métrage :

Bonjour à toute l’équipe ! Yallah, votre court de fin d’études à Supinfocom Rubika, raconte l’histoire d’un homme qui s’apprête à quitter Beyrouth en 1982, en pleine guerre civile. Son chemin croise celui d’un adolescent qui rêve d’aller à la piscine.
Un pitch qui peut sembler improbable mais qui s’inspire de faits réels… Pouvez-vous nous en dire plus ? Et pourquoi avoir voulu raconter cette histoire ?

L’équipe Yallah : Bonjour ! En effet, l’origine de cette histoire est une anecdote que Nayla, scénariste du film, tient de son père. Le jour de son épreuve de natation pour le bac, malgré les alertes de bombardements et les avertissements de son entourage, il a insisté pour passer l’épreuve, de peur d’une note éliminatoire. L’image de ce lycéen arrivant en maillot, convocation à la main, devant un trou d’obus, aurait pu être une magnifique photographie de guerre si quelqu’un avait été présent pour documenter ce moment. Mais Naji était seul, et cette anecdote qui fait tant rire le père de Nayla nous a parue extrêmement forte en elle-même, et nous avons souhaité la développer.

Quels étaient vos rôles respectifs durant la création du court- métrage Yallah ?

Nayla Nassar était chargée de la réalisation, du scénario, ainsi que des rigs et une partie de l’animation.
Edouard Pitula était le directeur artistique, aussi chargé des textures, du matte painting et des FXs.
Renaud de Saint Albin s’est quant à lui chargé du character modelling et texturing, du lookdev et d’une partie de l’animation.
Le modelling des assets a été partagé par Cécile Adant, Anaïs Sassatelli et Candice Behague. Cécile était aussi storyboardeuse et lead animation, tandis que Candice s’est occupée d’une partie du layout et de tout le compositing du film. Anaïs était aussi en charge du storyboard, lead layout, ainsi que lighting et rendu.

Séquence de la piscine – animation et référence

Vous avez opté pour un rendu graphique stylisé, en particulier sur les textures, tout en proposant une ville très colorée alors que pour beaucoup de gens, l’idée de Beyrouth en pleine guerre civile évoque sans doute une ville grise, recouverte par la poussière. Pouvez-vous nous parler de vos intentions graphiques ?

Nous avons travaillé la ville de Beyrouth non pas comme un environnement, mais comme le troisième personnage de  l’histoire. Beyrouth est une battante, pleine de vie et de surprises. Nous voulions raconter cela par nos designs, avec de nombreux détails colorés et une ambiance chaleureuse malgré les destructions.

Concept art – balcon

Quelles ont été vos inspirations, vos références visuelles ?

Nous avons fait de grosses recherches de photographies de Beyrouth, non seulement pendant la guerre mais aussi avant, pour avoir une idée de l’architecture et des couleurs de la ville. En terme de lumière, les photographies de Raymond Depardon ont été une grande source d’inspiration. Et Amer Béton [NDLR: manga de Taiyō Matsumoto adapté en film d’animation éponyme par Michael Arias] nous a grandement aidé, en tant que référence de stylisation d’une ville très détaillée, pleine de vie.

Concept art de la ville

Rendu final

Comment avez-vous abordé les personnages principaux de Yallah, Nicolas et Naji, que ce soit d’un point de vue character design, rig/animation et personnalité ?

Pour Naji, nous avons souhaité rester fidèles au père de Nayla, que ce soit en terme de personnalité ou de design. Le vrai Naji était un adolescent malicieux, insouciant et têtu comme personne, et cela correspondait parfaitement à l’histoire qu’on a voulu créer ! Nicolas est aussi inspiré d’une personne existante, mais de manière plus lointaine. Pour nous, il devait représenter le dilemme d’une majorité des adultes beyrouthins à l’époque, leur amour pour leur ville, leur inquiétude, leur peur.

On est restés très attachés à ce contraste entre les deux personnages en animation, se permettant des poses plus franches et ridicules sur le personnage de Naji que sur celui de Nicolas, plus subtil dans ses expressions faciales. C’était très amusant de pouvoir ensuite faire évoluer le style d’animation du personnage de Nicolas, lorsque lui même change grâce à Naji.

Une question majeure était évidemment celle de la représentation du conflit, qui est finalement évoqué de façon distante ou presque cartoon plutôt que de façon réaliste : avions lointains dans le ciel, explosions et tirs stylisés, tank dont le canon s’étire… Quelle a été votre réflexion sur cette question ?

Parmi les témoignages sur la guerre du Liban, un thème qui revenait souvent était l’absurdité de cette guerre. C’est d’ailleurs le sujet de notre film, notre intention narrative. Certains témoignages sont tellement invraisemblables qu’ils ne peuvent être imaginés autrement que par des dessins caricaturaux. C’est cette idée qu’on a voulu retranscrire, l’absurdité de la guerre, plutôt que sa cruauté.

La présence d’un bordel au sein de Yallah peut surprendre : quelques mots à son sujet ?

Le bordel fait référence à une autre anecdote surréaliste de la guerre de Beyrouth. La ville était divisée entre Est et Ouest, avec un réel No Man’s Land au centre, une grande artère commerciale devenue déserte et mortelle. Le seul bâtiment encore habité était un hôtel, un bordel où les soldats des différents camps se croisaient sans s’entretuer. Ce bordel a su rester un lieu de paix presque jusqu’à la fin du conflit. C’est une histoire très réputée à Beyrouth, un clin d’œil à ce doigt d’honneur fait à la guerre, et qui fait sourire ceux qui s’en souviennent. Presque une légende ! 

Concept-art montrant le borde

Comment avez-vous chorégraphié la surréaliste séquence de « surf urbain » ?

Cette idée est venue après avoir vu des images de l’explosion au port de Beyrouth en 2020. L’une d’entre elles, par la composition des immeubles détruits, nous a fait penser à des vagues. Nous avons donc cherché d’autres photos de bâtiments écroulés qui partageaient cette dynamique, et l’avons renforcée par la perspective. Pour l’animation, Cécile a fait un tour des vlogs de surf sur youtube pour savoir chorégraphier les mouvements de Naji, et Nicolas n’avait plus qu’à suivre de manière plus maladroite ! C’était une séquence très amusante à réaliser.

 La piscine étant l’objectif de l’adolescent, vous vous deviez de lui accorder un soin particulier. Pouvez-vous revenir sur la création de cet environnement ?

C’était un réel challenge, car nous n’avions aucune référence de centre aquatique de l’époque à Beyrouth. Nous voulions que la façade soit assez majestueuse, que le bâtiment ait l’air important, et c’est rarement le cas d’une piscine municipale. Nous nous sommes donc inspirés d’un grand cinéma du centre ville pour l’extérieur, et de bassins bien plus prestigieux pour l’interieur. 

Modélisation de la façade de la piscine

Rendu final de la façade.

Concept de l’intérieur de la piscine

Modélisation de l’intérieur de la piscine

Comment avez-vous créé les FX (fumée, explosions, tirs, eau) ?

Chaque effet a eu son lot de tests et de challenges, et finalement tout a été fait au cas par cas, toujours dans l’optique de respecter le style graphique des environnements. Les explosions ont été animées à la main en 2d, au lasso polygonal. Pour les fumées, nous avons fait une première passe de FX 3D stylisés sur Houdini, qui a servi de base sur laquelle chaque image a été repeinte. Cela nous a permis d’avoir une physique juste et qui fonctionnait dans le plan avant d’adapter le style graphique. Les tirs sont des animations 2d utilisées comme textures d’objets 3d, pour pouvoir les placer et ajuster leur vitesse / échelle dès l’animation du plan. L’eau a été peinte et animée à la main, en 2d.

Explosion

Matte paintings pour le ciel

Pouvez-vous également nous parler du processus de rendu/compositing de Yallah ? Quels ont été les plans les plus délicats à gérer ?

Le plus gros souci que nous avons rencontré en rendu / compositing a été de bien détacher les personnages de l’environnement, car la tonalité de peau était très similaire à celle des bâtiments, surtout dans la première séquence. Ce fut un travail de colorimétrie et de lumière, notamment par le traitement d’ombres violettes sur le personnage.

Le shot de découverte du bassin, de face, a aussi été très long à travailler, car c’est le plan clef du film, et l’émotion de Naji devait transparaître malgré que le plan soit très large. Nous avons donc longuement travaillé la direction de la lumière et le contraste de l’image.

Séquence de la découverte du bassin – animation et références

Comment le vrai Naji a-t-il réagi en voyant Yallah ? Avez-vous eu des retours d’autres personnes ayant vécu cette guerre civile ?

Le vrai Naji était très amusé de se voir ainsi dépeint, et sa sœur, restée au Liban et à laquelle le film est aussi dédicacé, encore plus !!! Le film a été projeté dans les rues de Beyrouth, ce qui fut un immense honneur, et les quelques retours de personnes ayant vécu cette guerre ont été merveilleux, souvent émus, fiers. Certains ont mené à des partages d’anecdotes autour de détails présents dans le film qui ravivent certains souvenirs, une superbe motivation pour continuer à faire des films !!!  

Pour en savoir plus

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